Christy Turlington - Américaine
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Harper's Bazaar Usa

Juin / Juillet 2013

Daniel Jackson

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Harper's Bazaar Usa

Juin / Juillet 2013

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by Yann Gabin

Elle n'a pas la beauté tapageuse d'une poupée Barbie. Elle ne prête pas son corps de rêve pour vendre des voitures. Elle ne prend pas la parole pour ne rien dire. Alors que ses consoeurs Claudia et Naomi ont tenté, sans grand succès, de se reconvertir dans le cinéma, Christy Turlington est retournée à l'université. Ses diplômes de philosophie orientale et de religions comparées en poche, elle a monté deux entreprises : Sundari, une firme de cosmétiques inspirés de l'ayurvéda (médecine indienne qui traite la cause plutôt que le symptôme), et Nuala, une ligne de vêtements de yoga en association avec Puma. Businesswoman pleine d'avenir, Christy est aussi une militante anti-tabac. Chaque interview est l'occasion d'un plaidoyer contre cette drogue. Ses campagnes télévisées, ses interventions auprès des jeunes ont fait de ce top l'emblème d'une vie sans "clopes". Cette ancienne fumeuse, que toute la presse avait condamnée prétendant qu'elle était atteinte d'une maladie des poumons incurable, nous révèle aujourd'hui qu'elle est en pleine forme. Pas malade, mais résolue à se battre pour que les jeunes ne tombent pas dans le piège de la cigarette. Rencontre avec une Californienne à la tête bien faite - Interview tiré de Marie-Claire France du mois de septembre 2001.
Catherine Castro : L'année dernière, tous les magazines annonçaient que vous étiez atteinte d'emphysème, une maladie incurable qui frappe les fumeurs. En lisant votre dossier de presse, j'ai été surprise d'apprendre que vous n'étiez pas malade.
Christy Turlington : Convaincus de tenir un scoop, les médias ont exagéré mes propos. J'ai fait un scanner de dépistage (le CT Spiral Scan), que vous n'avez pas encore en Europe. Un test formidable, qui permet de détecter les lésions au niveau des poumons en amont, avant qu'il ne soit trop tard. Ce scanner a bien évidemment révélé des lésions : on ne fume pas pendant treize ans sans en garder des séquelles. Mais le diagnostic était le suivant : si j'avais continué à fumer, j'aurais pu développer un emphysème. Donc, pour vous répondre, non, je ne suis pas malade.
C.C.: Si vous l'étiez, attaqueriez-vous la marque de tabac que vous fumiez ?
C. T.: Probablement pas, parce que j'ai les moyens de prendre en charge mes soins médicaux et j'ai aussi une assurance. Le système américain est totalement injuste : une personne qui gagne un procès contre une marque de tabac peut toucher 3 milliards de dollars, tandis qu'une autre n'aura droit à rien. Tous les fumeurs malades devraient bénéficier d'une aide. Je pense que les compagnies de tabac ont une part de responsabilité, mais c'est au gouvernement de réguler la façon dont les indemnités sont attribuées.
C. C.: Auriez-vous été aussi impliquée dans la lutte contre le tabac si votre père n'était pas mort d'un cancer du poumon ?
C.T.: Quand mon père est tombé malade, j'étais non-fumeuse depuis trois ans déjà, avec toujours la peur de recommencer. Quand il est décédé, j'ai su que je ne fumerais plus jamais. Son cancer du poumon ne m'a pas étonnée, mais cette épreuve m'a beaucoup appris. Depuis, j'ai vraiment envie de partager mon histoire, afin d'inciter les jeunes à ne pas tomber là-dedans.
C.C.: Pensez-vous que la prévention soit efficace ?
C. T.: La meilleure chose pour convaincre est d'être très honnête et de faire profiter les autres de votre expérience. Je fais une campagne de prévention à la télévision où je raconte la maladie et le décès de mon père, le mal que cela m'a fait de le perdre. Quand les gens voient à quel point vous êtes affectée, ils se mettent à votre place. Quelqu'un m'a dit qu'avoir vu mon témoignage l'a fait arrêter : il comprenait ce qu'un enfant ressent quand il perd un parent à cause de la cigarette. Si mon combat n'avait touché qu'une seule personne, ce serait déjà formidable. Mais je sais qu'il touche beaucoup de gens.
C. C.: Arrêter de fumer représente un vrai deuil pour les plus dépendants. Quels ont été vos trucs pour arrêter ?
C.T.: D'abord un engagement vis-à-vis de moi-même. Et puis j'ai changé certaines de mes habitudes : plus de café, plus d'alcool pendant quelque temps. J'ai aussi fait beaucoup de gym, avec l'impression de nettoyer mon corps, et du yoga, pour la respiration. Je buvais beaucoup d'eau aussi. Finalement j'étais heureuse, et vraiment sûre de ne pas rechuter. Mais je connais le sentiment de culpabilité qui vous gagne quand vous avez arrêté et que vous recommencez. Cela m'est arrivé cinq fois.
C.C.: Il y a une autre lutte qui nous a touché à Marie Claire, c'est celle contre la peine de mort dans le monde. Que pensez-vous de cette pratique, tellement répandue dans votre pays ?
C.T.: Je ne crois pas à l'utilité de la peine de mort. C'est cher, cruel et c'est inefficace pour lutter contre la criminalité. Je pense que tuer intentionnellement est monstrueux et inacceptable d'un point de vue démocratique. Et quand vous voyez comment sont menés les procès ! Le gouvernement dépense de l'argent en les organisant, mais ce n'en sont que des parodies. Et un accusé qui n'a pas les moyens de payer un bon avocat n'a aucune chance dans ce système.
C.C.: Mais la plupart des Américains croient en Dieu, ce qui ne les empêche pas d'adhérer à cette barbarie.
CT.: Les gens ici ont des comportements extrêmes croyances religieuses, comportements conservateurs. Personnellement, j'ai honte de ces facettes de mon pays : l'étroitesse d'esprit, la cruauté. Tout cela vient d'une ignorance complète, d'un manque d'éducation général des Américains. Tant qu'on ne donnera pas de bonnes structures scolaires à ce pays, qu'on ne favorisera pas l'accès à une éducation de qualité pour tous, les gens continueront à se comporter ainsi. Il faudrait investir beaucoup d'argent... Une telle réforme prendra beaucoup de temps.
C. C.: Avez-vous déjà signé une pétition contre la peine de mort aux Etats-Unis ?
C. T.: J'ai des amis impliqués dans cette lutte, et il m'est arrivé d'écrire des lettres en faveur de condamnés. Mais je n'ai jamais signé de pétition générale.
C. C.: Vous le feriez ?
C. T.: Absolument.
C. C.: Passons à un sujet plus léger. Vous allez vous marier avec l'acteur Edward Burns. Quand vous étiez avec Jason Patrick, vous aviez déclaré qu'il était l'homme de votre vie. Vous y croyez à nouveau ?
C. T.: Vous savez, j'ai passé six ans et demi avec Jason. Quand j'ai dit cela, je le croyais sincèrement. Je pense qu'il faut maintenir un certain niveau d'honnêteté quand on s'exprime, et tant pis si ce qu'on dit n'est plus d'actualité quelques années plus tard. On change, on devient quelqu'un de différent, de façon cyclique. Et bien sûr que mes idées, mes convictions, mes opinions peuvent évoluer. Ce qui serait grave, ce serait d'avoir dit une année : "Je ne crois pas à l'utilité de la peine de mort" et l'année d'après, affirmer le contraire. D'ailleurs, Edward ne tient pas compte de ces déclarations. J'ai eu deux longues histoires avant lui, et il respecte cela. Bien plus que si j'avais eu plein d'idylles sans lendemain.
C. C.: On ne vous voit plus, ni sur les podiums ni dans les séries de mode, mais vous continuez à faire des campagnes de pub pour Calvin Klein, Maybelline, Louis Vuitton. Pourquoi ces marques ?
C. T.: Parce qu'elles entretiennent ma notoriété tout en donnant une bonne image aux produits que je commercialise. Elles m'ouvrent aussi des portes, notamment dans les pays étrangers. Et puis ces séances photo sont aussi l'occasion pour moi de retrouver des gens que j'aime bien et de faire un break. Car mon nouveau travail est infiniment plus stressant que de poser devant un appareil photo.
C. C.: Aujourd'hui, vous dites que tout focaliser sur les attributs physiques est superficiel...
C.T.: J'ai commencé à être mannequin à quatorze ans, tout en continuant d'aller à l'école. A dix-huit ans, j'ai fait ce métier à plein temps, persuadée que cela ne durerait pas plus d'un ou deux ans. Au début, c'était vraiment excitant. Voyager, aller dans de jolis endroits. D'ailleurs, faire le mannequin n'était pas pour moi la partie intéressante de ce job : il y a des milliards de choses plus passionnantes à faire que de rester planté devant un objectif. Mais, grâce à cela, j'ai pu économiser et acquérir beaucoup de liberté. J'en ai fait profiter ma famille et j'ai pu me payer des études que mes parents n'auraient certainement pas pu prendre en charge, car une bonne université coûte très cher.
C.C.: Vous dites quand même que si vous aviez une fille, vous ne l'encourageriez pas à devenir mannequin.
C.T.: J'ai vu tellement de filles abîmées par ce milieu. Se retrouver à quatorze ans, livrée à soi-même, sans personne pour veiller sur vous, c'est très dangereux. Vous avez un corps, vous vous en servez pour vendre des choses, et vous ne savez même pas ce que ce corps signifie : cela provoque une grande confusion sur le plan de la féminité, de la sexualité. Vous êtes jetée dans quelque chose prématurément, sans savoir ce que ça veut dire. Vous êtes déjà embarrassée par le fait d'être "spéciale", d'être traitée comme quelqu'un de différent, de gagner de l'argent, d'être un réceptacle des projections des gens. Vous ne grandissez pas comme les autres ados. Vous faites tout de façon excessive, les cigarettes, les drogues, l'alcool, parce que vous ne vous sentez pas bien dans votre peau. Quand je vois comment vivent 90 % des modèles, non, je ne souhaite pas que ma fille suive ce chemin.
C.C.: Et vous, comment avez-vous résisté ?
C. T.: J'ai su très vite que ce monde n'était pas un monde réel. C'est un monde "fun", mais il n'est pas vrai. Avant de me faire des amis dans ce milieu, j'ai beaucoup observé, et j'ai l'impression que je suis devenue quelqu'un de plus conscient...
C.C.: Pour votre ligne de cosmétiques Sundari, vous appliquez une règle stricte : les photos de mannequin ne sont pas retouchées. C.T.: Cette manie de tout retoucher est insensée, horrible. Avec un ordinateur, on efface toute la singularité d'un visage. Quand j'ai fait des photos pour Gemey à Paris, je savais que c'était moi seulement parce que j'avais passé du temps à poser. Si j'avais été amnésique, je ne me serais pas reconnue. Tout le monde est retouché, même les actrices. On ne peut plus faire la différence entre Madonna, Kate Moss et Gwyneth Paltrow : mêmes yeux, même nez, même bouche. C'est bizarre. J'espère que les femmes se rendent compte que ce n'est pas vrai. Ma ligne de cosmétiques, si elle doit avoir une différence, c'est celle-là. Avec mes produits, je peux aider les femmes à paraître plus belles, à se sentir mieux. Contrairement aux autres qui prétendent effacer les rides ici ou là avec une crème, je ne promettrai pas une transformation radicale, parce que ce n'est pas vrai. Je crois au business honnête et je veux faire des produits honnêtes. Propos recueillis par Catherine Castro.

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