Walter Chin

Quand Walter Chin arrive dans un studio, il se dissimule discrètement derrière son objectif. C'est son assistant qui assure le relais ; il gère l'espace, la lumière, tout en anticipant chaque demande du photographe. La réussite d'une série photo, d'une campagne publicitaire ne peut aboutir qu'avec une équipe soudée et concentrée. Né en Jamaïque, il s'envole à 17 ans vers le canada pour y suivre une école d'art. Initialement, il se destinait à l'enseignement. Personnage discret, il se définit lui-même comme "un grand introverti".

Etant jeune, walter Chin passait beaucoup de temps à peindre et à dessiner. Mais la réalisation d'une simple illustration demandait parfois deux à trois jours de travail, et ce pour un résultat qui n'était pas nécessairement satisfaisant. Au final, cela représentait une grande perte de spontanéité. "Lorsque tu prends une photo, tu éprouves une sorte de satisfaction immédiate, tu peux changer d'angle de vue, jouer avec différentes émotions, passer du rire à la colère. Cette passion m'est venue en suivant des cours de photographie à l'école. A la base, mon intérêt se portait sur l'esthétique de la plastique humaine dans son ensemble, de là une sorte de transition naturelle s'est opérée et je me suis progressivement détaché du dessin pour m'investir totalement dans la photo".

Au départ, ses travaux étaient sans grand rapport avec la mode. Ses sources d'inspiration le portaient à réaliser des sortes de documentaires sociaux, de reportages. Par exemple, Walter Chin restait admiratif devant les travaux de Cartier-Bresson et différents personnages de cette envergure, toujours au coeur de l'action, couvrant les guerres... Mais parallèlement, c'est manière de travailler très délicate, nécessitant une totale implication et pour laquelle il est préférable de mener une vie de célibataire. Chose à laquelle il n'aspirait pas particulièrement. Mais, un jour, en feuilletant le magazine Vogue, il découvre une superbe série de mode de Richard Avedon. Walter Chin se dit alors : "C'est vraiment magnifique et j'aimerais pouvoir en faire autant, essayons..."

Lorsqu'il était à l'école, un de ses amis possédait un studio photo. Il le mit à sa disposition pour le cas où il décrocherait un travail. Grâce à lui, Walter Chin avait cette assurance d'un lieu à disposition pour commencer à démarcher. Sa première commande fut pour un client qui faisait des portraits de célébrités. "Quand nous sommes arrivés sur la prise de vue, mon ami avait accroché certaines de mes photos aux murs, ce qui était très valorisant. J'étais tellement nerveux et tendu que je n'arrêtais pas de transpirer, à tel point que je ne pouvais pas me concentrer, je sortais constamment pour m'essuyer le visage... Mais je ne voulais ni gâcher ce travail, ni le temps des personnes présentes. En fin de compte, tout s'est très bien passé... Je me suis dit : "Ce qui doit arriver arrivera" et je n'ai plus pensé à autre chose. J'ai pris mes photos et suis rentré à la maison. Ce fut ma première et dernière crise d'angoisse".

Parfois, Walter Chin arrive d'avoir une petite appréhension, mais dès l'instant où il se penche sur l'appareil, plus rien n'existe autour, seulement ces quatre coins dans lesquels se concentre l'image.  Walter Chin regarde constamment autour de lui. Il est curieux par nature. Lorsqu'il voit quelque chose d'intéressant, qui lui plait, il tente de se motiver pour mieux faire et se focalise sur l'objectif qu'il a décidé d'atteindre. "Rien ne doit te perturber, ni venir te distraire de ton chemin. Le succès est une chose accessible à tous, simplement beaucoup de gens en ont peur. Il te permet pourtant de faire ce que tu désires, de choisir ce que tu veux, de travailler lorsque tu l'entends, et de partir skier quand tu en as envie! C'est mon autre grande passion".

Walter

Chin

 Son premier travail en France fut pour le magazine Elle (en 1988). Certes, ce fut un bon début et il peut remercier la chance. "A l'époque, tout le monde était à New-York. Il suffisait d'afficher quelques photos de mannequins connus dans son book pour montrer que l'on savait travailler avec les filles. Et il y avait cet homme d'un certain âge qui travaillait pour Elle en tant que photographe, qui a décidé de m'aider et de me prendre en main. Comme le magazine me promettait toujours du travail sans jamais m'en donner, il m'a dit un jour : "Je vais prétendre être malade pour ma prochaine prise de vues et tu iras la faire à ma place". Quelques temps après, il m'a appelé et m'a dit "0k, Charly Chain, tu viens au studio, c'est toi qui fais le boulot". Tout était prêt, j'ai même pu avoir recours à ses assistants, lui était resté chez lui. J'aurai toujours une infinie reconnaissance pour cet homme, je lui dois beaucoup, ce fut un peu mon mentor".

Aujourd'hui, il essaye vraiment de mettre à profit ses compétences et ses relations pour encourager de jeunes photographes. "Je leur ouvre des portes, ensuite libre à eux d'en franchir le seuil. Mais je garde en mémoire cette chance qui m'a été offerte un jour. Je crois sincèrement que ce que tu peux donner te revient d'une façon ou d'une autre, alors autant être positif". C'est pour cette même raison qu'il met un point d'honneur à être courtois et respecteux avec les autres. On ne peut prédire ce que l'on deviendra dans dix, vingt ans... Tout ce qui monte finit toujours par retomber... Je laisse ma porte ouverte.

 Certaines personnes ont un talent naturel, un don. Mais la plupart transitent d'un métier à un autre : un styliste, un mannequin peut aspirer à devenir photographe. "S'ils s'investissent vraiment et concentrent leur volonté sur le but fixé, ils réussiront. Il faut avant tout croire en tes capacités, savoir ce que tu vaux, ce que tu veux et ce que tu as à apporter, sans te soucier de ce que peuvent dire les autres pour te décourager".

Qu'est-ce que la photographie pour Walter Chin ? "C'est un ensemble où tout doit être pris en compte : la composition, l'émotion... C'est ce qui fera la différence entre une bonne et une mauvaise photo. Personnellement, j'ai une préférence pour le noir et blanc. J'aime jouer sur les tonalités, les nuances, car elles donnent toujours une dimension magique à l'épreuve finale. Mais bien que de temps à autre, j'aie eu cette opportunité d'imposer mon choix, je ne suis jamais vraiment décisionnaire. La majorité des prises de vues se font en couleur car les clients ont besoin de voir la texture et la couleur des vêtements. Mais lorsque je prends une photo, je la conçois et réfléchis toujours en noir et blanc. Tout comme je pense et je rêve fréquemment en noir et blanc". Néanmoins, la photographie de mode tente de donner une représentation de des tendances à un moment T. Pour s'approcher au plus près de ces moments, il faut choisir une fille qui corresponde à cet instant. Alors, Walter Chin essaye de travailler en général avec les filles qui correspondent au travail à accomplir. Mais ce sont souvent les mêmes qu'il utilise car il connaît les différents registres sur lesquels elles peuvent jouer. "Si je leur demande de projeter un état d'esprit particulier, elles sont capables de me transmettre immédiatement l'émotion adéquate. Cependant, ce sont pour la plupart toutes des Top Models ou des futurs Top. Elles apprennent à travailler à Paris, puis elles partent à New-York pour apprendre à gagner de l'argent".

"L'art est un état émotionnel. C'est une perception personnelle des choses. J'apprends, progresse et découvre constamment sur moi et ce qui m'entoure. Je pensais être bon il y a un an, mais depuis j'ai évolué et encore acquis de l'expérience, ne serait-ce que l'expérience de nouvelles émotions. Les erreurs qui jonchent le chemin te permettent de grandir. La mode s'adapte. Elle est l'expression des mutations de la société. Les choses vont et viennent. La manière de vivre, le style de vie, changent aussi. Par exemple, s'habiller pour sortir devient de plus en plus rare parce que les occasions sont de moins en moins fréquentes. Aujourd'hui on tend à la simplicité. Mais le glamour, les belles femmes restent parce qu'elles font rêver".

Sa vie de photographe et sa vie de famille sont deux choses tout à fait distinctes. Lorsque Walter Chin sort d'un studio, il ne pense plus au travail. Son temps libre est totalement consacré à sa femme et ses enfants. Mais s'il n'avait pas cet autre monde pour contre balancer, il perdrait, dit-il, probablement pied.

Walter Chin reste un photographe modeste et se considère toujours comme une sorte d'apprenti photographe. Chaque jour il réalise à quel point il lui reste à apprendre et comme la route est longue. "Il y a une lumière vers laquelle je progresse et j'espère qu'à soixante ans, j'aurai atteint une certaine maturité. Mais il y a tant à donner et tant à explorer. Pour l'instant, je tente de me concentrer sur des travaux personnels. C'est une chose que je n'ai pas eu l'occasion de faire depuis l'université".

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