Défilés Automne/Hiver 2023/2024
Par
Yann Gabin pour PlaneteMode.com
 
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Balenciaga Automne/Hiver 2023/2024 par Demna Gvasalia
Cette présentation Balenciaga apparait comme le défilé charnière. Le tiret entre un "avant" et "après" crise médiatique. Ce simple line-up immaculé, composées de deux lignes de néons, épure ce podium à souhait. Un lieu virginal insufflant une Aura presque chirurgicale. Cette blancheur éblouit complètement le regard. Elle parait être comme un lieu immatériel qui permettra de décortiquer au mieux cette présentation Automne/Hiver 2023/2024. Afin de donner le focus exclusivement aux vêtements. Balenciaga souhaite surtout repositionner l'image maison et remettre ses compteurs à zéro. Notamment, après le déluge de scandales que la maison a du affronter suite aux campagnes publicitaires l'accusant de faire la promotion de la pédocriminalité. La marque a été vilipendée par des images exposant un jeune enfant sur un lit embrassant un nounours, arborant le fameux harnais que l'on entrevoit dans les scènes de sexe débridé sado-maso Gay. La campagne publicitaire suivante, consacrée aux accessoires et sacs, montre subrepticement un texte, déposé sur un bureau, qui, une fois agrandi à la loupe, ferait l'apologie de la pédophilie. Ce qui a déclenché les foudres des associations familiales mais aussi des milieux complotistes américains qui ont engendré un boycott puissant de la marque dans l'ensemble des pays anglo-saxons. Après cette avalanche médiatique, catastrophique, pour la maison Balenciaga, on conçoit que Demna Gvasalia a ambitionné recentrer la marque vers un concept plus minimalisme, plus simple. Plus conformiste et consensuel aussi. Il faut apaiser la sphère médiatique afin de tenter redorer le blason maison avec ce qu'il sait mieux faire : les vêtements. Une faute de communication ne pardonne pas et se traduit instantanément par un manque à gagner chiffré en millions d'euros. Une faute de style ne reste bien souvent qu'affaire de goût. Alors, il est temps de revenir aux basiques. De séduire à nouveau la clientèle "égarée". Demna Gvasalia est revenu vers ses fondamentaux en proposant pour les dix-huit premières silhouettes, des looks complètement sombres. Presque en noir absolu. Une veste smoking oversize ; une jupe longue dont les passements de la taille recouvre la place de l'ourlet. L'envers devient l'endroit ; Les mains disparaissent sous des manches toujours plus élancées. Un effet block pour des silhouettes mastoc. Le trench se noue à la taille solidement. Toujours avec cet effet conceptuel des passants de ceinture à l'envers, qui somme toute parsème de nombreuses pièces de la collection. La version du trench en cuir, effet écailles de serpent, se teint d'un charmant lie-de-vin chatoyant. Le blouson en cuir de " loulou " empoigne la forme d'un quadrilatère. Le pantalon en Denim se double de jambières frontales qui l'animent d'impulsions vibrantes. La robe, col en V, demeure à la fois chasuble mais aussi manteau. On perçoit nettement le pragmatisme dans la vision de Demna Gvasalia du vêtement. Il y a une réelle volonté d'aller à l'essentiel. Vers la praticité uniquement. Sans être péjoratif, la collection est absolument commerciale. Une robe "Madame", anthracite, se délecte de quelques plissés à l'épaule. Une autre, col en V, couleur chamois, drape l'ensemble du tissu faisant penser à l'imaginaire de Madame Grès. Toutefois avec un jeu de construction à l'épaule droite captivant. Une dernière, de tonalité gris souris, se dote d'un col cheminé retroussé par un nouage type Lavallière. En version blanche, elle inspire l'idée presque du sacrée. De la pureté. Demna Gvasalia a focalisé son envie sur le bâtit stylistique des épaules allant jusqu'à les faire fusionner avec la tête chez l'homme; et faire disparaitre l'ensemble du cou. Comme sur le blouson de cuir "Motard", la doudoune cintrée ou le sweater à capuche immaculée. Le jogging en cachemire mastic bleu Klein ou nuit, toujours chez l'homme, se porte près du corps laissant percevoir de jolies formes corporelles. Quand ce dernier ne se raccourci pas en micro short. Avec des bottes de motards. Chez la femme, ce sont les chemisiers plissés, en mousseline, dont les épaules se parent de lignes rectilignes. C'est droit, à point c'est tout. Des imprimés floraux, cher au créateur, font leur come-back, comme aperçu dans la collection prêt-à-porter Printemps/Eté 2017. Celle-ci vient adoucir une robe plissée, fédérée par une tonalité amande. Même si ces dernières s'évasent et se font amples, il y a un contraste saisissant avec le haut du corps, plutôt guindé. Un manteau en simili fourrure de vison beige, ou pétrole, se noue à la taille par un léger ruban en grain blanc. Chic et consensuel. Demna Gvasalia a performé dans les dernières silhouettes, celles qui clôturent le show. Elles apparaissent taillées sur mesure avec des excroissances toute en rondeur aux épaules. Elles sculptent le corps tels des chutes d'eau. Ces robes glissent sur la silhouette d'un seul trait pour les rendre encore plus extraordinaires. Une robe en mousseline anthracite se pare de vagues de strass diamant instaurant des dentelles organiques. Avec l'élégant nœud de satin autour de la taille. Une seconde, inévitablement doublé d'une mousseline chair, dévoile et démultiplie, à intervalles régulier, des tatouages d'une fleur au gout pétrole. Des linéaires de strass diamant en couvrent une suivante. La dernière étant composée d'une rivière de filins de perles tubulaires jais. De la pure couture. La force de Demna Gvasalia réside dans sa faculté inhérente de composer des looks street wear, presque parfois un peu trop littéral à mon goût, tout en les alternant avec des silhouettes dignes des meilleurs looks Couture. Alors, ne peut-on pas tout simplement conclure que c'est en ces termes que demeure l'excellence d'un prêt-à-porter ?
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Balenciaga

Automne/Hiver

2023/2024

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Bottega Veneta Automne/Hiver 2023/2024 par Mathieu Blazy
Pour sa troisième collection de prêt-à-porter féminin et masculin pour la maison Bottega Veneta, Mathieu Blazy poursuit son chemin vers l'idée incontestable d'un certain calme, luxe et volupté. Simplement parce que ce trio de vocables détermine remarquablement bien l'univers qu'il accroît pour cette maison italienne, réputée pour son savoir-faire des peaux mais également pour ses fameux nattages en cuir que l'on contemple sur de nombreux sacs, chaussures et pièces vestimentaires. Dans un immense hangar, ou le sol s'apparente à des marbres mouchetés aux accents de jade et de carbone, quelques statues d'athlètes grecs, semblables aux bronzes antiques, s'éparpillent, de-ci delà, autour du podium. Peut-être une projection fantasmée d'une villa romaine, d'un jardin à l'italienne ou d'une allée d'un musée italien. Paola Manes, mannequin Italienne, a été choisie pour incarner cette étincelle qui devrait enflammer le show. Donner l'envie irrépressible aux invités de se vêtir en Bottega Veneta. Avec une simple nuisette, aux fines bretelles, en soie lactescente, Paola englobe déjà l'idée d'un certain look minimalisme, à la manière d'un Calvin Klein ou d'un Helmut Lang. Les similis bottes se personnifient en de grosses chaussettes tricotées en laine naturelle. Quasi des chaussettes de ski. Retour vers un cocooning véritable. Son sac tressé, en forme de demi-lune, se prêtera parfaitement à des randonnées dans des stations de sports d'hiver comme Courchevel ou Megève. La version rouge écarlate est un peu trop voyante à mon goût. La veste de costume masculin s'allonge au point de frôler le sol. Le tissu crémeux s'octroie à intervalles réguliers de micros stries noires. Porté toujours avec les chaussettes. Les costumes masculins deux pièces peuvent prendre des formes ultra amples avec des configurations ultra simples. Leurs poches pouvant emmagasinées nombre de colifichets. Un manteau masculin se fait peignoir, élaboré à partir d'un tissu hirsute en laine de couleur miel. Un trench en cuir tabac, ultra caréné, recouvre l'apparence d'une peau d'alligator. Le véritable luxe ne s'édifie plus dans l'appropriation de peaux rares (souvent d'élevage) mais de s'y jumeler à s'y méprendre. Là réside le véritable luxe. Dans la manière de repenser le monde. Pour qu'il soit beaucoup plus équitable et juste. Même si, indéniablement, le pouvoir de l'argent fera toute la différence. Le défilé insiste aussi bien sur les vêtements féminins que masculins. Sur Tarlisa Gaykamangu, premier mannequin australien de la communauté aborigène, son pull replet et volumineux, aux larges mailles "limite" mal tricoté, au col cheminé tombant, s'offrira une deuxième vie en tant que simple robe. Le trench chocolat en cuir de Lara Menezes s'empreint d'une peau crocodile. La version mastic de Karolina Spakowski s'entiche d'une peau d'autruche. Plus vraie que nature. Les robes en soie, type nuisette, s'incrustent de dentelles ravissantes et s'enluminent de tonalités de taupe ou anis. D'autres, aux plissés de vestales romaines, s'incrustent de tiges fleuries perlées aigue-marine comme sur le mannequin Or Shapira ; de chardons multicolores sur Chu Wong. Le total look en cuir bourgogne d'Edith Ike prend des conformations de parachute prêt à s'ouvrir en cas de dégringolade. Presque tous les looks sont rehaussés de sacs divers et variés, une des compétences originelles de la maison Bottega Veneta. Il y en a vraiment pour tous. Sacs à main ; Bagages de voyage ; Valises ; Sacs sceau tissés ; Double Tote-bags ; Sacs coussin ; Mallettes pour col blancs ; Sacs œuf. Pour finir avec des sacs triangulaires allongés, horizontaux à l'allure contemporaine, voire ultra-sonique. Bref, une saison entièrement dédiée au savoir faire de la bagagerie. Mathieu Blazy a étudié une nouvelle silhouette masculine avec sa "robe" pour homme. Une sorte de "Kamiz" à l'indienne. Ou pour schématiser de djellaba marocaine. Mais rectiligne, en version maille, de couleurs coquelicot, crème ou Sépia. La veste de smoking anthracite de Julia Nobis cintre et emprisonne sa taille alors que la carrure de ses emmanchures s'élargie tout en sphéricité. Avec des cuissardes crème, s'il vous plait. Quant à la robe écarlate d'Ajah Angau Jok, au col en V boudiné, elle se recourbe aux niveaux des hanches par d'exquises excroissances, permettant l'élaboration d'un effet de plissés théâtraux. Des effets 3D, forme écailles, pour le pull Vermillon de Kris Wardak. Les pulls sont exécutés avec différents points de tricotage les rendant hypnotiques. Quelques couleurs vigoureuses peuvent investir des total-looks comme le soufre, l'absinthe, le parme ou le pistache. Des plumes aériennes viennent flirter avec le haut du décolleté vert pistache de Cecilia Wu. Beaucoup de recherches sur le tayloring, l'architecture du vêtement ainsi que sur l'ouvrage d'une silhouette couronnée de détails conceptuels. Cintrage, corsetage et système de baleines au niveau de la taille dégainent un maintien inégalable, incomparable. Le top chinois, Liu Wen, clôturera la présentation avec un simple marcel blanc, un pantalon impression jeans, un sweater noué à la taille dragée et un sac seau entrelacé gris souris. Le tout façonné en cuir ultra souple. Chez Bottega Veneta se niche la complexité entre une apparence dite minimaliste et une préciosité extrême des matières et des idées. L'apanage de haut vol d'une richesse discrète.
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Bottega Venetta

Automne/Hiver

2023/2024

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Chanel Automne/Hiver 2023/2024 par Virginie Viard
Chanel possède, dans son ADN, toute une oriflamme de codes identitaires maison fondant sa richesse et son fond de commerce. Une façon élémentaire de la reconnaître sans l'interpeller. Le fameux "Savoir" entre initiés. Cette saison Automne/Hiver 2023/2024, Virginie Viard a dédié ce défilé à la fleur de camélia tant glorifiée par Mademoiselle Chanel. Elle lui offre une surexposition médiatique et l'impose, urbi et orbi, dans un vestiaire hivernal assez traditionnel. Le décor parachève ce discours en imposant deux ilots centraux composés d'un quatuor gigantesques de camélias immaculés. Ces derniers servant d'écrans géants à des projections cinématographiques en noir & blanc. La lyonnaise Loli Bahia ouvre le show avec un longitudinale manteau/peignoir, en tweed noir et blanc, qui consigne une foule de camélias éthérés. Une corpulente chaîne gourmette enserre son cou s'achevant par un double C, mi-or mi-diamant. De délectables gants, en dentelle de camélias ébène, dispersent un romantisme suranné qui aurait comblé ce cher Monsieur Lagerfeld. Le trench de Merlijne Schorren, en cuir macassar, convoque sur son col une rivière de camélias anthracite. Ses bottes, en cuir sombre, aux talons compensés, gainent les chevilles telles les chausses des danseuses du Moulin Rouge. Quant à Vivienne Rohner, nouvelle égérie maison, elle se dandine dans une interminable robe/chasuble enchevêtrant camélias, C entrelacés et rayures "marinière". Le camélia se glisse dans les broderies, damassées, dentelles, guipures, cuir. Différents types de boutons personnifient cette fleur exquise. Il vient juste à se glisser dans le sommet de la chevelure naturelle d'Angelina Kendall, en version pétrole. Ou sur les poches de la combinaison short d'Akon Changkou. Le bermuda, en jean réglisse, d'Adwoa Aboah s'agrafe d'abondant camélias tels des pins's des années 80. Le design rectiligne du manteau d'Alix Bouthors alterne avec un quadrillage, à intervalles réguliers, de camélia et double C. Semblablement au jeu du morpion. Nonobstant, c'est sur le top allemand Anna Ewers, égérie de la ligne "Les beiges", que le sens strict du terme "chanelissime" prend tout son éclat. Son Aura. Sa veste anthracite épingle, de manière aléatoire, des minis et médians camélias lactescents. Du pur Chanel. S'il fallait retenir une unique veste, ce serait celle-ci. Idem sur la britannique Giselle Norman dont le bermuda en tweed flamboyant s'enorgueillit d'une flopée de camélias laiteux. On est "camé" et shooté aux camélias. Le bermuda peut s'édifier autour d'une dentelle légère. Un esprit absolument lingerie. A enfiler avec des collants alcalescents continuellement aspergés d'arabesques florales. Un pantalon ample, quasiment jupe, détourne le fameux matelassé maison en y incrustant, en ses intersections, de mini strass Diamant. Des propositions de looks assez sombres qui propagent une classe inhérente et intemporelle à la femme Chanel. Certains looks se font couture notamment lorsque la veste en tweed se pare de camélias en plumes ; d'un teeshirt, col circulaire, entièrement brodé de sequins reconstituant la fleur maison. Le tout enfilé sur un pantalon opalin, entièrement couvert de paillettes, damasquinant à un rythme constant ce fameux camélia. Avec pour touche ultime, deux ventrus camélias s'agrafant sur les bottines en paillettes charbon. Il n'y a pas meilleur exemple pour décliner ce look d'apparence couture en un prêt-à-porter de luxe "plus-plus". Des plumes d'autruches blafardes s'apposent sur les poches du gilet d'Apolline Rocco Fohrer ou bien sur les épaules du pull en cachemire de Grâce Elizabeth telle une brume fougueuse descendant les flancs rocheux d'une montagne. Beaucoup de tailleurs classiques demeurent destinés pour subsister pour une vie entière. La fameuse interrogation sur la durabilité. La maison Chanel y répond favorablement. Quelques touches de couleurs avec ce rose pastel pour une veste en tweed à l'allure de chandail ; Des pulls en mohair dont le graphisme pourrait référer à des pétales stylisés s'apposent d'une tonalité dragée. Virginie Viard glisse un total look pied-de-poule en version grenat : cardigan cinq boutons, jupe droite et manteau peignoir sur l'athlétique Alaato Jazyper. Amar Akway porte une longue jupe en tweed, au quadrillage chair, qui se parachève en jupe asymétrique. Sa courte veste à la carrure rectiligne s'immobilise net au nombril. La juvénile Anouk Smit rajeunie son tricot en cachemire avec une jupe saumonée qui matérialise un certain esprit bohème et insouciant. Celui de Rachel Marx se fait seconde peau. Son pantalon en taffetas de soie noire s'agrémente de fleurs menues en perles de jais. Pour le soir, les looks se font plus décontractés et tempérés. Dans une certaine épure contenue. Toujours en noir et blanc. Ca fonctionne parfaitement. Mais, on restera sur sa faim avec un bémol sur les ultimes passages, dont les imprimés fleuris, aux camaïeux de Vermeil, Corail et Cerise, un tantinet "Petite maison dans la prairie", auraient pu stationner en coulisse du show. Pour être honnête, des robes à l'allure ultra-vieillotte. La collection aurait pu simplement se clôturer par le passage d'Ida Heiner. Chanel a souhaité se réapproprier ce code identitaire puissant dont certaines maisons de couture s'étaient dernièrement emparées. N'est-ce pas Valentino ? Amalgamant cette jouissance intellectuelle de la maison Chanel. Finalement, cette magistrale présentation se voudra être une ode véritable à cette délicate fleur qu'est le Camélia. Et, Chanel en demeure bien le maitre.
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Chanel

Automne/Hiver

2023/2024

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Dior Automne/Hiver 2023/2024 par Maria Grazia Chiuri
Au delà de la création du prêt-à-porter féminin pour la maison Dior, Maria Grazia a l'envie constante de mettre en valeur les œuvres d'autres artistes féminines contemporaines. L'univers féminin est ce qui importe. Ses créations. Ses paroles. Ses pensées. Ses désirs. Sa beauté dans sa diversité. Maria Grazia incarne avec panache ce rôle de porte-parole régulier des combats féminins. Une sororité. Cette présentation prêt-à-porter Automne/Hiver 2023/2024 honore l'univers ahurissant, développé depuis des années par la plasticienne portugaise Joana Vasconcelos. Un travail monumental et magistral de design textile mettant en exergue des formes organiques, tout en rotondité. Ici, on peut discerner dans sa globalité une forme d'araignée gigantesque avec d'oblongues pattes enluminées. Toutefois ce n'est qu'une vue de mon esprit. Ce set-design, d'un bleu Klein profond, rehaussé de fanfreluches et plumes multicolores, inondés de milliers de leds, pourrait incarner le concept d'une grotte onirique et magique ; d'un jeu de maracas mexicaines suspendues ; d'organes sublimés du corps humain ; voire la matrice de la fécondité. On peut imaginer tout ce que l'on a envie. Cette installation semble digne d'un rêve éveillé. Un émerveillement. Les mannequins naviguent impassiblement entre ces protubérances "glandulaires" géantes. Elles tournent autour, les frôlent, les effleurent. Il y a comme un discours immanent entre ces masses textiles gigantesques d'une richesse folle avec des vêtements qui se veulent beaucoup plus frugaux et austères. Un contraste saisissant. Dés le début du show, se profilent de nombreux looks noirs, agrémentés de couleurs sombres. Une simple chemise blanche se porte avec une cravate fine de tonalité anthracite. Le fameux cannage matelassé s'insère sur des doudounes, blazers et sacs complètement anthracite. Des jupes évasées, et d'autres dites crayon, en pied de poule, enserrent bien la taille. La silhouette en V. La matière usitée peut se froisser légèrement. Les formes des sacs demeurent toujours dans une veine sempiternelle. Maria Grazia Chiuri propose une revisite de l'héritage laissé par Monsieur Dior. Même si elle s'appuie régulièrement sur les codes maison, ce patrimoine n'a jamais été aussi présent que dans ce défilé Automne/Hiver 2023/2024. Tout demeure chic et sans chichi, avec un discours ensorcelant sur la simplicité et la sobriété. Des looks ultra portables qui concèdent confiance à celle qui décidera d'y succomber. Sans que l'on identifie au premier abord la maison qui l'habillera. L'indice s'insinue dans les sacs matelassés carbone, chapeaux cloches ou Totes Bags siglés. On bannit le "m'as-tu vu" pour mettre en exergue l'allure élégante de la parisienne que Christian Dior affectionnait tant, à la fin des années 40. Cela fait du bien de reconquérir une certaine tempérance dans un monde qui prône toujours plus de provocation vestimentaire. Ou les dictats convergent parfois vers des "too much" odieux. La femme Dior, cet hiver 2023/2024, s'inscrira dans un vestiaire modéré dans les lignes mais avec un accent prospère dans les détails textiles. Des dégradés grenat ou lie-de-vin viennent effleurer un pullover sans manches. Un manteau en alpaga d'une souplesse sans nom s'étire en un Tie & Dye carbone au vert émeraude. De même pour une longiligne jupe plissée traînant aux chevilles. Des paillettes et perles cramoisies illuminent subtilement une jupe ainsi qu'une robe à fines bretelles. Voire un Marcel sur la gracieuse Maty Fall Diba et la hiératique Rachel Marx. La discrétion reste toujours de mise mais avec juste ce qu'il faut pour se démarquer. Un tartan vermeil habille un caban. Quand celui-ci imprègne une volumineuse jupe, elle diffuse carrément un style Country. Mais, on modère l'effet avec une chemise en popeline lactescente. On peut allier un pull angora, impression tartan, avec une jupe crayon aux motifs floraux délavés mordorés. Les imprimés inédits peuvent laisser spéculer à une nuée florale, une brume de fleurs. Mais stylisés comme s'ils avaient été passés au laminoir. Certains imprimés donnent vraiment le sentiment de tissus d'après guerre. Un peu désuet mais avec une vibration revival. Les robes d'apparat demeurent dans une veine simple dans l'aspect. Toutefois, les matières le demeurent beaucoup moins. Des fils argentés, insérés subrepticement aux soies, satins et damassés, viennent rigidifier délicatement l'ensemble pour créer des effets de retenues, de cannelures, de rainures. Un effet froissé envoûtant. Quelques touches léopards. On récupère l'imprimé "cartes de Paris", en tonalité crème, qu'on applique sur une jupe, une robe bustier ou un simple parapluie. Un véritable dialogue s'instaure entre les précédentes collections et j'affectionne énormément l'idée. Les derniers looks se parent exclusivement de noir charbon. Des fines broderies perlées viennent véhiculer un éclat, un rai de lumière à cette fin de présentation. C'est sur le tube iconique d'Edith Piaf, "Nob, je ne regrette rien" que s'achève ce défilé de la maison Dior. Une ode aux classiques maisons réétudiés.
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Dior

Automne/Hiver

2023/2024

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Gucci Automne/Hiver 2023/2024 par le studio Gucci
Dans le calendrier de la fashion week milanaise, il y a fréquemment des défilés plus attendus que d'autres. Scrutés avec une attention particulière. Cette saison, ce sera celui de la maison Gucci, navire phare du groupe Kering. Pourquoi une telle attention ? Simplement parce que la direction artistique n'est plus aux mains du talentueux Alessandro Michèle qui avait redéfinit avec brio l'esprit maison avec cette fantaisie déroutante, ce génie baroque incontestable et cette créativité folle, sans borne. Et, cela durant huit années. De quoi asseoir un style puissant, identifiable tout en imposant un pouvoir de gourou incontestable. Toutefois, la star, ici, c'est la maison Gucci qui a décidé de faire "Tabula Rasa" et de recommencer à zéro. Alors, l'interrogation qui enflamme les lèvres du biotope de la mode demeure la suivante: Que va-nous dévoiler l'équipe médiane pour cet automne/hiver 2023/2024. Pas de chef d'orchestre puisque la direction artistique se compose seulement du studio de création. Une agrégation de synergies diverses et d'énergies ingénieuses. Une salle immense, aux murs gris-souris, à la moquette absinthe, composée de faux plafonds, rehaussés de lumières néons et de deux gigantesques cercles étincelant, fera office de lieu de la présentation. Avant le début du show, les éclairages grésillent, parasitent, crépitent, installant une atmosphère peu rassurante. Un trio d'ascenseurs agrémente chaque pan de murs de ce set-design insolite et singulier. Même anti-glamour pour une présentation mode. On peut se demander ou l'on se trouve. Un mélange d'inspiration cinématographique entre "Bienvenue à Gattaca" et "Shining". Certains invités sont compartimentés au centre de deux ronds-points faisant office de canapés circulaires. Le reste s'affrontant autour de cette spacieuse salle rectangulaire. La porte d'un des ascenseurs s'ouvre enfin laissant jaillir le premier look. Un micro soutien-gorge bijou, entièrement tricoté en strass diamant, se couple d'une oblongue jupe en satin noir supportée par d'interminables gants noirs. Les micro-lunettes de soleil dramatisent ce look qui pourrait être choisit pour un tapis rouge. Puis, le deuxième look part dans une direction totalement opposée. Un manteau droit de travailleur en col blanc se teinte d'un gris souris monotone. Rébarbatif mais tellement facile à enfiler. Les looks classiques alternent avec des allures plus cocasses. Il n'y a pas d'homogénéisation entre chaque look mais des propositions selon la vie que l'on mène. Pour condenser, on peut s'habiller chez Gucci selon n'importe quelle situation comme aimait l'écrire Alessandro Michèle. Un vestiaire varié ou l'on peut piocher la fameuse pièce qui nous fera "jouir d'extase". Sur Cyrielle Lalande, le teeshirt, manches longues, joue la totale transparence en vermillon. La jupe, aux genoux, se perfore de larmes régulières, aux bordures de strass diamant. Les gants vermillon couvrent seulement les doigts. Sa paire de lunette se fait masque et se teint d'un rouge pur sang. A contrario, Bente Oort, marche complètement décontractée avec son pantalon à pinces anthracite, sa chemise ivoirine et son pull basique en cachemire s'achevant au nombril. Avec le ceinturon GG, bien évidence. Un trench s'effiloche de milliers de filins métalliques argentés sur Sara Blomqqvist. La pièce fashion à souhait. Julia Nobis se voit affabuler d'une robe un tantinet eighties avec un simple bustier crème qui laisse jaillir, aux hanches, deux gibbosités bouffantes ébène ébauchant un simili cœur. Désuet à mort. Aivita Muse porte un costume croisé, deux boutons, un tantinet oversize. Sommaire mais efficace. Les sacs à mains reprennent le design de ceux désignés par Tom Ford dans les années 90 comme le "Horsebit Chain" et le "Jackie 1961". Ils sont interprétés dans des coloris inédits et matières originales comme le cuir de mouton retourné. Surtout en version XXL pour bien les distinguer. Nombreux sont les looks mono-couleur. Très peu d'imprimés. Voir pas du tout. Les manteaux, en fourrure synthétique, sont proposés en diverses longueurs et se colorent de parme, émeraude, rose fluo, châtain ou moutarde comme sur le mannequin Stella Lucia. Quelques pièces sont assiégées par des parements en fausse fourrure hyper vitaminés (Rouge sang, rose fluo ou vert amande) sur des encolures ou sous forme d'écharpe. D'ailleurs, cette dernière explose sur les frontières de délicates mules. Le mohair fait quelques clins d'œil sur une robe-pullover vert émeraude, un micro-top jaune fluo ou un top asymétrique cachou. Des couleurs franches et très visuelles. Kiki Willems enfile des Moon-Boots en fourrure pétrole. Un couvre-chef prend la configuration de ceux de la garde royale britannique. Greta Hoffer enfile une robe légère, droite, maintenue par une sangle sous la poitrine, dont la couleur nous fait voyager dans un champ de coquelicots. Un manteau filiforme, huit boutons, bleue Klein, pourrait sortir du vestiaire de mademoiselle Chanel. Le casting fait appel à d'anciennes égéries maison comme Liisa Winkler ou Guinvere van Seenus qui clôtura le show avec une certaine dureté. Le tissu iconique au fameux double G s'applique sur des soutiens-gorges au design rectangulaire, sur une jupe droite et étroite ou sur des collants en strass dans des tonalités vermillon, pétrole et neige. La combinaison, veste de travail, chemise incolore et jean large, marche toujours. Tel l'univers Celine désigné par Hedi Slimane. La proposition faite par la maison Gucci cette saison demeure minimale, débarrassée de toutes sortes de fanfreluches inutiles. Presque intemporel en un sens, ultra-portable mais sans grande extravagance. Les codes maison restent visibles de-ci delà sur certaines pièces avec spécialement les mords en métal, doré ou argenté, ainsi que le double G. La totalité du studio Gucci saluera à la fin de la présentation. Une collection qui se veut être un véritable trait d'union entre la folie créative d'Alessandro Michèle et l'arrivée imminente de Sabato de Sarno.
 

Gucci

Automne/Hiver

2023/2024

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Louis Vuitton Automne/Hiver 2023/2024 par Nicolas Ghesquière
Nicolas Ghesquière fait son come-back dans les murs du musée d'Orsay pour dévoiler sa nouvelle collection hivernale 2023/2024. Un lieu classique, historique, mêlé de tragédies et de fêtes désopilantes. Les parquets antiques, entourés de dorures et stucs décoratifs, recouvre toutes les salles à foison ; à profusion. Un oblong podium carbone, complètement eighties, tranche avec le conservatisme du lieu. Un esprit Versailles. Nicolas Ghesquière a probablement eu l'appétence de dramatiser cette présentation hivernale. Juxtaposant une kyrielle de lustres en cristal XVIIème, des colonnes métalliques supportent des rampes luminaires diffusant une luminescence carrément glaciale mais efficace pour focuser chaque look de la collection. Quelques parapets anti-soniques bordent le podium générant un effet de décor de films "Catastrophe". On mêle des univers antinomiques et anachroniques. C'est la jeune Greta Oberwalleney qui monte en premier les quelques marches vers le podium avec cette veste singulière dont les plissés demeurent dignes d'une Madame Grès. Celle-ci, à l'allure d'un autre temps, s'accordera entièrement avec le notre. Souple et ample, elle se suffit à elle-même. Quand le pantalon vanille parait sur un second look, il se boursoufle, à chaque pas, attirant des volumes dignes de l'accoutrement de Soliman le Magnifique. La fine ceinture enserrant la taille se fait lien et glisse jusqu'à plus bas que terre. Ce néo-classique devrait prendre place dans le vestiaire de cette fameuse néo-bourgeoise cosmopolite. Il y a travail évident sur l'architecture et le bâti intrinsèque des vêtements. Ainsi, une robe bustier beige, asymétrique par son unique bretelle "boudin" boursouflée, incorpore un pull en maille mastic accroissant le "sur-volume" de cette unique brassière. Quand un second bustier laisse trop de place à la poitrine, on l'additionne d'un pull en cachemire afin de conserver son honneur sauf. On croisse au sein de cette collection quelques détails de style, utilisés dans de précédentes collections, comme le coup de scalpel horizontal aux genoux, déjà aperçu lors de son passage chez Balenciaga. La flanelle grise intègre un tailleur pantalon d'une rigueur digne d'Irène Cassini (Uma Thurman) dans le film "Bienvenue à Gattaca" d'Andrew Nicol. La version immaculée, sur Loli Bahia, demeure, elle-aussi, d'une sobriété à toute épreuve. Le maquillage surligne le bas de la paupière par un agencement de sequins argentés dispensant un esprit "Euphoria". Même si certaines lignes demeurent, à première vue minimales, on discerne véritablement un travail minutieux au sein de certaines tenues. Nicolas Ghesquière célèbre les volumes architecturaux et tente d'en reproduire l'esprit à travers un style fluide et d'une précision sans faille. En extrapolant, le look d'Apolline Rocco Fohrer pourrait me faire penser à du mobilier d'ameublement. Plus précisément, à une chaise déstructurée. Son plastron blanc possède la forme d'une assise. Ses emmanchures à ceux d'accoudoirs. Le textile de sa robe grège récupère la matière d'un tissu de "recouvrement". Les plissés de la robe d'Hanna Felding demeurent aussi rigides que des empennages d'avions. Ils sont raides et tenus. Les couleurs surnagent dans une palette de beige, Camel, gris, anthracite ou blanc. La chemise lactescente se fait blouse sur Alaato Jazyper. Son col rigoureux dégouline en gilet. Une touche puritaine, sobre. Nicolas Ghesquière s'amuse avec le graphisme, notamment en superposant les tonalités noires et blanches. Les cols demeurent, aussi, un terrain de jeu : col cape, col cygne, col chorale, col hirondelle. Des longilignes écharpes tricotées s'enroulent autour du cou et pendent tel un balancier. Des manteaux, à la forme de Bombers, s'offrent des proportions volumineuses telles que sur Samile Bermannelli. Quelques pantalons, de confection somme toute ordinaire, s'offrent de jolies teintes tabac ou carbone. Des basiques sans chichi. Les sacs s'habillent de la toile cirée classique LV et prennent la forme de sacs photos ou de micro-valises. D'autres réintègrent des formes ultra classiques, d'une certaine austérité. Un fugace cadenas argenté se grave du LV maison. Toutefois, le vanity-case "Maison" sera le clou du spectacle en termes d'accessoire. Il y a clairement un retour vers un luxe moins ostentatoire, sans logos, mais surement plus durable. Moins connoté d'une saison. Une robe hair, sans manche, se découpe d'une myriade de cavités de tailles diverses qui, dans son ensemble, fait penser à un entrelacement de coraux. Des clous mordorés en investis la périphérie. Les bottes, d'allure classique, jouent avec les tonalités de peaux des mannequins. Des illusions d'optique s'opèrent ainsi sur les jambes. Parfois, on est dupé par une fausse hauteur de bottes. Ludique. Deux masques luminescents suscitent interrogation lorsqu'ils passent sur le podium. Cocasse à voir. De délicats strass diamant argentés viennent se glisser sur un caraco Camel. Ou, de couleur chair, sur une jupe éthérée de baladine enfilée par Angelina Kendall. Evie Saunders s'empare d'un céleste peignoir/smoking bordé de strass en diamant noir. Quant à Victoria Fawole, affabulée d'un des deux masques étincelants, elle fait de sa tenue un melting-pot stylistique : veste/peignoir lie de vin, dont l'imprimé mélange roses et félins. Sa chemise s'édifie autour d'un jacquard d'arabesques florales argentées et carbones. Son short bouffant intègre fausse fourrure "loutre" et broderies florales à l'allure de chardons bleu Klein, vermillon et neige. La comédienne Hoyeon Jung achèvera cette présentation dans une robe au damassé fleuri, aux épaules légèrement bombées, avec un bustier prenant la configuration d'un cœur épuré. Toutefois, en observant précisément, on distinguera de fines surpiqures de fils de soie blancs brodés sur un cuir ultra souple carbone. Un véritable effet stuc. La quintessence du style dément de la cours de Versailles. Pourtant, Nous ne sommes pas à Versailles ici mais bien au musée d'Orsay pour le show Vuitton Automne/Hiver 2023/2024.
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Louis Vuitton

Automne/Hiver

2023/2024

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Loewe Automne/Hiver 2023/2024 par Jonathan Anderson
Loewe et Jonathan Anderson symbolisent la quintessence stylistique dominée par deux données non négociables c'est-à-dire comment associer l'art de se vêtir avec l'Art contemporain. Ou inversement. La frontière entre les pièces artistiques et stylistiques paraissant bien souvent minimes. Tout semble cogité par le biais de concepts puissants et inédits. On ne pénètre pas l'univers Loewe par Jonathan Anderson de manière intelligible ou rationnel, mais en appréhendant certains codes précis. Une initiation et un intérêt pour l'Art contemporain paraissent comme inéluctable, inévitable, obligatoire. Les pièces Loewe sont loin d'être standardisées. Ce qui contente et exauce une poignée de "fashionistas", toujours à la recherche de pièces phares et acérées. Mais, ces dernières qui vont au-delà du simple vêtement questionnent aussi sur ce qu'est un vêtement ? Jonathan Anderson tente justement de répondre par ce vestiaire décalé laissant toujours en suspend des réponses en pointillé. Pour l'Automne/Hiver 2023/2024, la maison espagnole a installé un cube géant au sein de la forteresse de Vincennes. Cet immense espace permet à chaque invité de bien visualiser le vestiaire à venir. Ce qui n'est pas toujours le cas lors de nombreuses présentations. Des cubes unicolores, un tantinet "mastoc", trônent de-ci delà, sur le podium. Réalisé par le jeu de compression de millions de confettis, ils peuvent se désagréger légèrement si l'on vient les frôler, les effleurer. Jonathan Anderson a sollicité la plasticienne italienne, Lara Favaretto, pour cette mise en scène inédite et conceptuelle, d'une fragilité onirique. Quand le show débute, il y a presque une impression de l'ordre du sacrée qui se produit. Un silence d'or. Telle une cérémonie bénie par son souverain suprême. Les principales robes demeurent édifiées dans des lignes entièrement verticales, simplissimes. D'un seul tenant. L'important s'éveille dans les impressions textiles qui imposent, par exemple, un effet visuel flouté avec des bouquets floraux comme sur Xiru Yang qui ouvre le défilé; un effet redondant avec une impression d'une pièce textile sur le même vêtement; un effet de matière froissée, chamarrée, sur un textile lisse aux tonalités carbone, tabac ou vermillon. Voire sur un pull turquoise dont les manches s'accrochent par un système ingénieux d'attaches, type scotch. Le top italien Vittoria Ceretti se glisse dans une robe/chasuble, aux manches interminables, dont l'imprimé dessine l'image d'un trench. Ces effets floutés ont été inspirés par le travail de l'artiste allemand Gerhard Richter qui aimait prendre des photos abstraites et troubles. Les cabas origamis sont proposés dans des envergures extra larges. Presque dans des dimensions colossales. La chemise en cuir anthracite, au col Mao, s'enfile telle une robe. Elle change de proportions en fonction de la chainette dorée maintenue entre l'épaule et la taille. Le même procédé que le tirage d'un store. Un imprimé "écailles de tortue" a été amplifiée, à la puissance dix, sur un total look chemise/pantalon. Ca envoie. Le short corsaire se couvre de grandes plumes bleu Klein et, de même, son tee-shirt de plumes blanches comme neige. Avec les bottines corsaires, se plissant tel un soufflet d'accordéon sur les tibias. Les escarpins peuvent se garnir de gros nœud en satin sur le vis-à-vis. Des bottes galbent la cheville telle des bas de contentions. Le cuir est d'une beauté à couper le souffle. Normal, c'est la compétence intrinsèque maison. D'ailleurs, Jonathan Anderson a aussi souhaité le besogner de manière plus rude et résistante avec trois pièces hyper structurées. Le concept de duplicata d'habillements provenant de l'univers des "Playmobils" est radical. Des pièces tenant seules. La robe bustier rose bonbon aux plissés figés. La chemise courte, cinq boutons, au col rigide, ne bouge pas d'un fil comme sur Jeanne Cadieu. Le tee-shirt bubble-gum s'enfile avec une jupe froncée vert anis. Un style complètement décalé. Une robe bustier, en satin gris ou ciel, se drape de quelques plissés se formant à la poitrine par l'intermédiaire d'une sphère dorée. La version glacée de Lulu Tenney génère cet air de grande prêtresse que les rédactrices de mode affectionneront pour leurs shoots. Une robe, tenue par une simple main à l'épaule, renforce cette impression de cape alors qu'elle s'enroule simplement autour de la silhouette. Tout n'est qu'affaire de geste comme le dit Jonathan Anderson. Loli Bahia le réalise à la perfection lorsqu'elle croise ses deux mains sur son thorax pour maintenir sa robe bustier alcalescente. Les chandails en cachemire carbone ou mastic dévalent jusqu'aux genoux. Une avalanche de douceur. Deux trenchs droits se brodent de milliers de perles analogues, l'un corbeau, l'autre rouge sang. La mode hivernale présentée par Jonathan Anderson demeure une mode cérébrale. C'est notoire. Toutefois, cela ne sous-entend pas qu'elle soit édictée et créé pour quelques initiés. Loin sans faut. Mais, elle veut sustenter l'esprit à ceux et celles qui s'y intéressent, en les menant vers des horizons anticonformistes, souvent méconnu du grand public. Une mode qui embrasse des mouvements à l'affut d'ultimes innovations, de performances, d'artistes contemporains et de techniques textiles. En cela les présentations de Jonathan Anderson pour Loewe se veulent être inlassablement des performances artistiques. Avec des messages limpides, Jonathan Anderson expérimente avec magnificence ses coups de cœurs artistiques à travers une ligne de vêtements ultra-réfléchie et toujours avec un point de vu tranché.
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Loewe

Automne/Hiver

2023/2024

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Miu Miu Automne/Hiver 2023/2024 par Miuccia Prada
Pour l'automne/hiver 2023/2024, la maison Miu Miu a décidé de proposer une mode d'apparence sage aussi bien dans ses lignes que dans ses formes. Pour être juste, aucunes pièces dévoilées ne semblent d'une créativité extrême ou folle. Un prêt-à-porter primaire et facilement transposable dans la vie courante. On demeure dans des proportions classiques avec un grand nombre de bons basiques : cardigans, robes, pulls, sous-pulls, jupes crayon, escarpins à fines brides et talons fugaces, sacs à main valise, etc. Les tonalités demeurent dans des accents de minéraux et végétaux. Tout ce qu'aime la génération actuelle. C'est l'actrice américaine Mia Goth qui déferle en premier sur le podium avec un look classique mais audacieux. Intemporel par un twin-set en cachemire mastic. Mais, intrépide par une jupe crayon à pois entièrement cristalline. La cime de son collant maintenant son twin-set en place. Coquine. Toutefois, par le choix distinct des tissus, comme des mousselines ultra transparentes, ou par le souhait de dévoiler des pièces généralement dissimulées du vestiaire telle que culottes ou collants, l'esprit lingerie dévergonde l'ensemble de la présentation ainsi que les silhouettes. Tout ne vient seulement de la manière de les enfiler et les agencer. Le collant dynamise la jupe pour venir sereinement cacher le nombril. Le cardigan vient se glisser dans le collant pour que celui-ci ne bouge pas d'un iota. La jupe à pois argentine laisse deviner les longilignes gambettes. Il y a comme une innocence perverse qui apparait et disparait constamment sous nos yeux. Une fausse ingénue en somme. Les fameux classiques sont désacralisés par une manière de cheminer, par un simple geste comme soutenir son sac au creux de son coude, ou simplement en enfilant une robe laissant discerner la culotte. Bref, une mode qui déculotte et dépoussière les jeunes filles bien raisonnables. Une veste se déconstruit par la légèreté d'une mousseline. Toujours à pois comme les aimait tant Emmanuel Ungaro. Elle virevolte dès que l'on s'active. C'est ultra léger. Les micros étiquettes Miu Miu, blanc sur noir, investissent le haut d'un collant, la taille d'une jupe, le bas d'un caraco. Un caban, en cachemire camel, au col en mouton retourné, inscrit sur le thorax les lettres du label, ton sur ton. Discret mais pas trop. Miu Miu propose de l'enfiler avec une simple culotte, idéalisée d'une ceinture en cuir caramel. Il sera souhaitable de ne pas omettre de bien enclore ce caban si l'on souhaite le total look du show. La version en velours moutarde côtelée, toujours au col de mouton retourné anthracite, peut paraitre plus aisée. Moins attendue. Rianne Van Rompaey a l'air de ne pas y toucher avec son allure de secrétaire bien sous tout rapport. Avec ses lunettes de vue et sa pochette en cuir émeraude, sa robe en mousseline immaculée, renforcée de pois carbone, apparait presque candide. Et oui, il faut rester sérieux quand on dévoile tout. La même silhouette, version "négative", apparait aussi sulfureuse sur l'une des égéries récurrentes maison, Ondria Hardin. Mais cette fois avec une culotte Olive. Le cardigan boutonné s'additionne d'un pullover ton sur ton. Le fameux effet Twin-set comme sur Sascha Rajasalu. Des tenues sportswear sont dévoilées avec des leggings, hoodies, sweaters à capuche et baskets que l'on devra agrémenter d'un joli caban Marine à boutonnage doré. Catherine McNeill défile sur le podium avec ce look athlétique et somme toute commun. Passe-partout. Avec une valisette en cuir châtaigne. La version masculine parait identique à celle de la femme. Aucune différence apparente. La mode Miu Miu apparait non "genré" quand il s'agit d'une dégaine Sportswear. Elle est pour tous. Soyons certain, cela en ravira plus d'un. Les sweaters à capuche subsistent encore en taille oversize et se rehaussent de camaïeu de gris. Une mode bien de saison car le manteau s'enfile sur un sweater qui s'enfile sur un col roulé comme sur Liu Wen. On n'hésite pas à superposer les couches de vêtements. Les derbys en cuir anthracite ou auburn fonctionnent aussi bien avec un legging qu'un simple collant. Beaucoup de tonalités mordorées, Camel, chamois, cuivre, vanille, miel ou poils de chameau. Tous les sacs se portent à la jonction du coude ou en main bloqués sous l'aisselle. Etre à la mode demeure souvent affaire de posture. Celui-ci en fera parti pour l'Automne/Hiver 2023/2024. Le look de Maty Drazek, entièrement Camel, peut aller aussi bien à la jeune fille de 18 ans qu'à son aïeul de 77 ans. Seules la démarche et l'incarnation feront la différence entre un look "In" ou un look "Out". Du framboise, ocre et moutarde pour des vestes et manteaux en lainage tricotée. Les robes de cocktails assez dénudées se brodent de tiges florales qui flottent au vent. Les versions chocolat et topaze fonctionnement parfaitement avec des carnations de peaux foncées. Celle de couleurs chair ou vanille auront la préférence des carnations plus claires. Toutefois, on peut switcher selon ses propres préférences, bien entendu. Une doudoune moutarde s'accompagne d'une jupe boule qui va à ravir à Yura Romaniuk. Loli Bahia enfile une robe tee-shirt en cuir tabac qui la projette dans une vibration à la "Swinging-London". Un tee-shirt limite-limite car stoppant juste en-dessous de la bienséance. Avec un simple collant fauve, ce fera bien l'affaire. La version Kaki de Julie Hoomans demeure plus délectable. Des marguerites aux allures enfantines marquent un pullover vert chartreuse ainsi que des cardigans lie-de-vin et abricot. Les pièces en cuir tels que les blousons à capuches revêtent plusieurs tonalités allant du framboise au tabac, du kaki pour Anouck Smits au tournesol pour Anna Ewers ; aussi du mandarine et perle. Nombreuses sont les lunettes de vue et sacs besace. Quelques cabochons viennent se glisser sur des mules ou sur la bordure d'un col d'une robe. La robe en tweed "chevron" d'Anok Yai aura la chance de posséder un décolleté agrémenté d'une myriade de cabochons whisky. La culotte d'Amélia Gray sera intégralement sertit de cabochons rose bonbon. Avec un simple col roulé en cachemire anthracite, on peut assurément témoigner qu'elle ne passera pas inaperçue. L'actrice britannique Emma Corin, égérie maison, clôtura le show avec le même look qu'Amélia mais en version bistre. La couleur définissant l'hiver Miu Miu. Après la mini-mini, la culotte sera-t-elle le nouveau hit de la maison milanaise ?
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Miu Miu

Automne/Hiver

2023/2024

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Paco Rabanne Automne/Hiver 2023/2024 par Julien Dossena
Un interminable chemin au ton sablonneux fait office de podium pour le défilé prêt-à-porter Paco Rabanne pour l'Automne/Hiver2023/2024. On peut imaginer un rivage sauvage de bord de mer, une simple carrière ou les gravillons d'un manège équestre. De préférence, je distinguerai un passage incarnant l'histoire maison entre passé, présent et futur. Une allégorie du cycle de la vie. Celle-ci prend tout son sens quand on apprend que Monsieur Paco Rabanne vient de décéder quelques jours auparavant. Triste nouvelle pour la maison. Mais, il faut apprendre à vivre avec. Aussi, l'important demeure dans la poursuite de son œuvre stylistique dont Julien Dossena, Directeur Artistique, la maitrise de main de maître. On subodore que cette présentation sera emplie d'émotions. Toutefois, il faudra attendre la surprise des derniers passages pour être submergé d'émois. Sur un concerto pour une voix de Saint-Preux, Alix Bouthors ouvre le show avec gravité et magnanimité. Son col roulé "cropé", de couleur fauve, se couple d'un pantalon achevant sa course plus bas que terre. L'ensemble en mohair ultra doux. Son sac sceau se bâtit d'un mille-feuille en pampilles de cuir carbone. Un look similaire investit une matière lurex complètement dorée, remémorant les pièces métalliques iconiques, digne signature de Paco Rabanne. La version en mohair anthracite adoptera une jupe interminable, dans un style portefeuille. Le mohair reste exécuté dans une large gamme de couleurs allant de l'ocre au bleu layette. Anok Yai optera pour un trench XXL, en cuir de tonalité Jade, arboré d'un col fourrure proéminant, serpentant du col à la cheville. Laissant juste distinguer sa paire de tennis immaculés. La robe en mohair virginale d'Anouck Smits se maintient au niveau de la poitrine par un jeu de nouage élaboré. Savoir faire. Un véritable cocon de douceur. Le cuir souple prend une brève part au sein de cette présentation. La chemise s'insère dans le pantalon insufflant un effet de combinaison aviateur sur Ida Heiner. Julien Dossena use de matières à consonance métallique telle que le look sur Mona Tougaard dont le col roulé doré prend l'apparence d'un grattoir métallique, couplé à une jupe aux milliers de fils argentés. Eblouissement total. On recouvre, aussi, l'univers des imprimés fleuris dont il affectionne tant et aime à disséminer dans chacune de ses collections. Toujours sous forme de ravissants bouquets. Jamais "gnangnan". La dentelle s'insère sous forme de lignes en V et d'une fleur solo. Le duo se combine aisément, dispensant un effet contemporain non négligeable. Une dentelle sensuelle carmin s'incruste sur une soie saphir comme sur la robe enfilée par Oudey Egone. Un effet joaillerie. Cette délicate guipure s'incruste aux fameux imprimés bouquets dont les backgrounds moirés peuvent se colorer de miel ou d'azur. Toutefois, Julien Dossena purifie certaines robes de toutes fioritures en ne gardant qu'une ligne forte dans une tonalité : carbone, orange ou parme. La version sequin, totalement dorée de Miriam Sanchez, s'enorgueillit d'un énorme cœur 3D sur la poitrine. Il se brode de quelques gemmes en rubis, entourées de micro diamants. Haute joaillerie. Le clou du spectacle se crayonne dans cinq robes à l'inspiration de l'œuvre de Dali. Elles sont sensationnelles. Exceptionnelles. Un moment suspendu lors de leurs passages. Iconiques. Les fondamentaux Paco Rabanne s'enchainent immédiatement. Les pampilles métalliques en demi-lunes ou en forme de plumes viennent crocher une jupe, une robe telle des couperets. Toujours en or ou argent. Avec une proposition enthousiasmante, le "dragée". Le tintement perceptible de ces milliers de pampilles diffuse un supplément d'âme à ces pièces ahurissantes. Des brassières fleurs, en fils de métal, viennent souligner les poitrines de Cyrielle Lalande et d'Awar Odhiang. Les robes de métal inondent la collection avec en premier temps celles désignées par Julien Dossena. Les classiques pastilles métalliques côtoient des corolles florales translucides sur la robe longiligne d'Iman Kaumann. Des franges longitudinales galvanisent une autre robe composée de losanges dorés sur Nora Attal. Un tissu en maille de métal, ultra fluide, se recouvre d'une mousseline céleste, alignée de micro-sequins comme sur Sofia Steinberg. Quand la puissance d'une matière caresse la vulnérabilité d'une autre. Puis, la voix de Paco Rabanne germe comme par enchantement. Elle murmure des choses vraies, sans compromis sur sa vision de la vie, de la mode : "Je suis un technicien venu de l'enseignement technique, de l'architecture. Un homme passionné de son époque, vivant dans ce temps-ci ; vivant pleinement dans ce temps. Amoureux absolu de ce temps et voulant l'exprimer par son métier". "C'est le rôle d'un vêtement de charmer. C'est de provoquer l'amour chez les autres. L'amour qui est le ressort de toute activité". "La mode m'a intéressé par ce coté juste extérieur symbolique. La mode n'est que symbolique extérieurement. Il m'est arrivé de faire des vêtements anti-mode. De faire des vêtements très spéciaux avec des formes et des couleurs, particulières pour voir la réaction sur les femmes. Pour l'éprouver sur les femmes". "Les femmes sont devenues des combattantes. Donc, je les ai vêtues d'armure. Ces armures essayent de conquérir leur indépendance vis à vis de l'homme. C'est très symbolique. Et, cela correspond bien à l'époque". "Travaillant des matériaux bizarres, je ne vais pas dans des endroits normaux qui fournissent la haute couture. Je vais donc dans des ateliers. Je vais dans les usines, dans les endroits les plus étranges du monde". "Certains de mes vêtements essayent de refléter en vêtements mes préoccupations comme un Jules Lepape en peinture". "Je fais des robes en morceaux de métal. On s'amuse terriblement. Parfois, on fait des vêtements, on essaye sur un mannequin. On meurt de rire pendant une journée entière. C'est très drôle". Rien de plus à ajouter pour condenser l'esprit Paco Rabanne. Tout est dit ici.
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Paco Rabanne

Automne/Hiver

2023/20243

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Prada Automne/Hiver 2023/2024 par Miuccia Prada + Raf Simons
Industriel. Gris souris. Esprit loft. Un quadrilatère terne ponctué de poutrelles métalliques de tonalité citrouille, voici quelques vocables simples pour évoquer et condenser le set-design de la présentation Prada pour l'Automne/Hiver 2023/2024. Une saison qui pourra prétendre à un dépouillement incontestable. Une épuration du soi-disant "mauvais goût". La maison Prada, sous l'impulsion de son co-designer Raf Simons, perdure à s'aventurer vers un minimalisme qui, avouons le, n'est pas la carte maitresse de sa fondatrice Miuccia Prada. Toutefois, se risquer vers des contrées que Madame Prada n'expérimente guère, en cela apparait le trait commun, le ciment qui scelle ce lien puissant entre Miuccia Prada et Raf Simons. Sans omettre ce respect mutuel. L'attendre là ou on ne l'espère pas a toujours été le mantra de Miuccia Prada. S'habiller chez Prada, c'est aussi prendre un risque chaque saison. Il faut laisser s'envoler ses préjugés. Se laisser surprendre par un fil directeur, un imprimé ou un concept artistique inaccoutumé. Enfiler du Prada peut booster sa confiance en soi même si le chemin demeure complètement inattendu. Une musique menaçante, grésillant, marque le démarrage de la présentation. Une jeune fille, à la silhouette frêle et vulnérable, à l'allure d'une Sinead O'connor, Ilya Vermeulen pénètre rapidement le podium. Le regard fixe, avec un mascara laiteux, elle avance tel un robot. Un pull élémentaire, en cachemire mastic, couplé à une interminable jupe immaculé et brodé d'un collectif d'origamis, fera bien l'affaire pour l'hiver à venir. Le triangle maison ajusté au niveau de la hanche. Les ballerines, encore effilées, se griment de nœuds ou de profils d'oiseaux, issus de l'art du pliage japonais. Prada frappe fort. Une idée simple qui fait son effet. Original et facile à enfiler. C'est simplement poétique. Des marguerites 3D assiègent une jupe ample. Très fifties. Des mini-jupes sont aussi proposées pour l'hiver. On peut opter pour la version minimaliste ou agrémentée d'origamis diverses et variées. Les longilignes jupes peuvent être droites ou évasées. Elles possèdent la configuration de jupons ou d'éléments tubulaires. C'est selon son goût. Le plafond s'élève subtilement laissant apparaitre des gerbes de lierres sur les poutrelles métalliques. Quand la nature reconquiert les friches abandonnées. Beaucoup de pullovers à l'allure classique mais échafaudés avec de belles matières. Les couleurs s'intercalent autour de bleu marine, carbone, poils de chameaux, vanille ou miel. Ce vestiaire pioche dans une veine chic, sans blabla, pour une clientèle fortunée qui ne souhaite pas forcement que l'on sache qu'ils dilapident des fortunes pour un simple pull. L'art de dissimulation du luxe. Il faut seulement être initié. Une veste en cuir d'une souplesse inégalée, presque surchemise, se teint d'un adorable dégradé tabac. Même tonalité pour la veste trois boutons de Rolf Schrader. Les pantalons "cigarette" pincent la taille à merveille. D'autres se font fuseaux avec les zips à la cheville. Les chemises à épaulettes se rehaussent de cravates ton sur ton et se teignent de tonalités absolument militaires : kaki, moutarde, olive. Les robes reprennent la configuration de treillis. En un seul tenant. La jupe en laine mastic de Gigi Hadid s'épingle de tiges florales alcalescentes. Le manteau demeure large mais pas trop. Juste une carrure supplémentaire. Les vestes de costume reprennent l'idée de la collection masculine à savoir le fameux double col de forme triangulaire. Des costumes néo-classiques qui ne devraient pas prendre une ride avec le temps. Indémodable. Beaucoup de gris et marine cette saison. Les cardigans en soie se fond seconde peau laissant apparaitre les pourtours des poitrines. Les vestes et manteaux en cuir se gaufrent et persistent dans des tailles oversize. Avec une prédilection pour celle de couleur rouge sang. Trois robes, sertissant à merveille la silhouette par un jeu de découpes aux millimètres, insufflent l'image de looks des années 50. Très madame. Seulement proposées dans des tons pastel : topaze, chair ou anis. Il faut être parfaitement "gaulé". Alix Bouthors a été choisit pour supporter le tailleur "couette" ou "oreiller" que l'on avait pu apercevoir aussi sur le podium masculin. C'est gonflé. Le fameux effet culturiste. Une tendance boursoufflée s'annoncerait-elle prochainement dans les rues de nos capitales ? Les ballerines prennent des couleurs vives tel que le mandarine, pèche, kaki, moutarde, vert pomme, vert de gris, citron. Un effet qui dégouline sur les mascaras qui s'enivrent des mêmes tonalités donnant aux regards des effets narcotiques. D'ailleurs comme le mentionne la bande-son : "I go to sleep. Sleep. Sleep". Un manteau en laine Camel s'offre un dos à tomber par terre avec sa construction aile de deltaplane. La version bleu marine demeure plus terre à terre. Pour le final, des robes légères naissent dans une cotonnade immaculée. Il y a presque un effet drap qui enroule et encapsule la silhouette. C'est rafraichissant. Les ultimes robes, en soie, se parent d'imprimés contemporains avec de brèves touches de mandarine, magenta ou fuchsia. Liu Wen ferme la marche de cette présentation féminine avec un caban bleu marine agrémenté d'escarpins rouge vif. Un classique sulfureux. Le plafond redescend lentement faisant disparaitre ce merveilleux jardin suspendu. Un vestiaire néo-classique consensuel qui satisfera un large panel de clients.
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Prada

Automne/Hiver

2023/2024

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Saint-Laurent Automne/Hiver 2023/2024 par Anthony Vacarello
Chez Saint-Laurent, il y a toujours une ambiance, un éther particulier. Comme si les fantômes de Messieurs Saint-Laurent et Pierre Berger rodaient et s'invitaient, chaque fois, sur le lieu de la présentation. Comme un flot outrepassé palpable dans l'air ambiant. On perçoit, de-ci de-là, presque des auras rémanentes du passée. Une sensation épidermique. Les équipes d'Anthony Vacarello ont œuvré pour reproduire une atmosphère scénique ayant la saveur des défilés d'Yves Saint-Laurent lorsqu'il dévoilait ses collections prêt-à-porter et couture au Grand Hôtel, rue scribe. Un flash-back immédiat de ces années fantasques resurgit instantanément en s'infiltrant sous ce chapiteau aménagé juste en face de la tour Eiffel. Trois majestueux lustres en bronze dorés, à la centaine de bougies électriques érectiles, installés à intervalle régulier, diffusent cette illumination spécifique et feutrée des palaces d'un autre siècle. Un éclairage ouaté donnant au podium la perspective d'un long fleuve doré. Deux larges cercles concaves reconstituent l'esprit des podiums YSL à l'ancienne ou chaque mannequin pouvait s'entrecroiser sans se brutaliser ou s'écharper. Quelques notes de musique dramatique commencent à s'échapper au sein de la salle arguant le démarrage de cette présentation Automne/Hiver 2023/2024. C'est Tara Falla, jeune novice, qui arpente le podium d'un pas détaché et gracieux. Avec une jupe crayon, entrouverte sur les cuisses, un marcel immaculé, complètement échancré, elle déambule avec une veste anthracite, aux rayures "tennis", dont l'envergure se réfère à celle d'un footballeur de soccer américain. La carrure est bâtit de manière ultra, ultra, ultra large. C'est en ce détail singulier que se construira l'ensemble de la collection hivernale Saint-Laurent. Focus sur la stature. Le smoking se désolidarise de ses boutons et s'embellit d'un mouchoir de satin neige, plié triangle. Les créoles sont fines et mordorés. On ne néglige pas de garder ses lunettes "Aviateurs" sur le bout du nez. Les escarpins, à la délicate bride, persistent dans une configuration pointue. Toujours avec les talons aiguilles. La sonate classique propage une gravité ambiante qui correspond au vestiaire exhibé. Les tissus persistent dans un conservatisme assumé. Beaucoup de propositions de tailleurs/jupes dont Monsieur Saint-Laurent aurait raffolé. On déchiffre une inspiration de la super woman entièrement accroc au boulot. Peut-être celle des années 80. Mais, aussi le fantasme de cette femme hyper sexualisée tant aperçu dans les photographies d'Helmut Newton. Une longue écharpe en mousseline mastic, s'enroulant autour du cou, peut s'envoler au grès du vent et venir riper le trottoir parisien. Tout est dans l'attitude comme aime à prononcer nombre de directeurs artistiques. Ici, on hume Paris. La parisienne demeure puissante. Le blouson en cuir, un tantinet aéronaval, prend des largesses, lui aussi, aux épaules. Il garde cependant une ligne très simple et distinguée. Anthony Vacarello le stylise avec une chemise lavallière en mousseline carbone, une jupe droite, rayure tennis, à queue de pie agrémentée de collants opaques. Noir, c'est noir. Un autre blouson, toujours en cuir, s'emmaillote de drapés sur l'ensemble du buste. Très eighties. En version chocolat et safran, ca fonctionne autant. Les rayures tennis, sous divers aspects, investissent des tonalités de vert de gris, bleu marine ou anthracite. Le tee-shirt basique peut être un autre élément stylistique déterminant pour rehausser une tenue. C'est simplement efficace. Des vestes investissent des tissus dont Saint-Laurent savourait goulument tel que le pied de poule version micro, le pied-de-galle ou le tartan purement gallois. On peut étayer son look par de longilignes étoles en lainage s'agrippant à l'épaule, permettant de casser souvent des tenues un peu trop convenues. Il y a cet esprit absolument gallois. Le Marcel en satin de soie peut naitre avec des emmanchures béantes et des plongés nombrilistes proéminentes. Un autre en mousseline de soie chamois laisse brusquement entrevoir la poitrine. Un grand hit Saint-Laurent. Le top lactescent, sans manches, aux sangles entrecroisées, ennobli d'une jupe brou de noix, permet un look d'une droiture extrême mais non dénué d'une sensualité excessive. Les robes de soirées resteront dans une veine entièrement sombre. Aucunes fausses notes. Tous les classiques Maison pour cet automne/hiver 2023/2024 ont été recomposées avec des disproportions assumées. Des déséquilibres choisis qui redéfinissent la silhouette féminine tout en entretenant une Aura stylistique traditionnelle. Le Marcel en satin de soie peut naitre avec des emmanchures béantes et des plongés nombrilistes proéminentes. Un autre en mousseline de soie chamois laisse brusquement entrevoir la poitrine. Un grand hit Saint-Laurent. Le top lactescent, sans manches, aux sangles entrecroisées, ennobli d'une jupe brou de noix, permet un look d'une droiture extrême mais non dénué d'une sensualité excessive. Les robes de soirées resteront dans une veine entièrement sombre. Aucunes fausses notes. Tous les classiques Maison pour cet automne/hiver 2023/2024 ont été recomposées avec des disproportions assumées. Des déséquilibres choisis qui redéfinissent la silhouette féminine tout en entretenant une Aura stylistique traditionnelle.
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Saint-Laurent

Automne/Hiver

2023/2024

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Valentino Automne/Hiver 2023/2024 par Pier Paolo Piccioli
Pier Paolo Piccioli amalgame l'ensemble de la palette "colorielle" pour sublimer chaque look qu'il enfante pour la maison Valentino. Un maitre en la matière. En aparté, il avait dédié la collection Automne/Hiver 2022/2023 entièrement au rose fuchsia. Une curiosité pour une maison de luxe. Une collection qui avait été acclamée et, qui par conséquent, avait engendré une déferlante de fuchsia sur la planète mode. Un annonciateur de tendance en quelque sorte. Toutefois, pour cet Automne/Hiver 2023/2024, l'état d'esprit de Pier Paolo Piccioli a été, semble t-il, relégué vers les deux couleurs fondamentales de l'échiquier: le blanc et noir. Un blanc immaculé mais tranchant. Un noir vibrant mais radieux. Deux intemporels, mais toujours ensemencés de tonalités ardentes et éclatantes. C'est avec cet état d'esprit que Paolo Piccioli dessine ses collections prêt-à-porter qui demeurent souvent plus admirables les unes que les autres. Ici, l'anthracite s'installe sur une robe sans manches, relevée par un simple col chemise lactescent. C'est le premier look. La veste cintrée, à la carrure étroite, prend la configuration d'un smoking. La chemise stoppe à la lisère du nombril et sa fine cravate carbone vient titiller le micro short. Les premières filles ont les cheveux presque tondus avec des allures de Sinead O'Connor. Traits de crayon ébène sous les paupières inferieures. Anneau doré clipsé sur la lèvre. Myriades de boucles dorées sur les lobes d'oreilles. La coiffure "crête de coq" sur le mannequin masculin couronne définitivement l'inspiration Punk. Mais, une punkette issue des quartiers de la haute. Pas celle des bas-fonds londoniens. Un contraste saisissant entre chic et choc. Un manteau virginal s'asperge d'oblongues plumes d'autruches, qui en se mouvant, véhicule cette vie précieuse à la pièce. Un contraste étonnant entre fragilité et résistance. Entre simplicité et sophistication. Quelques looks masculins se dévoilent de-ci de-là. Mais, toujours dans un classicisme sans effusion. Aussi, le micro short apparait comme une pièce maitresse de cet hiver que l'on rehaussera avec une veste, un manteau, une chemise ou un pullover oversize. Un longiligne manteau en cuir carbone vient lécher les semelles des bottines comme pour emmitoufler et protéger la silhouette des éléments extérieures. Un manteau exhibe des stries nivelées, toujours dans une carnation de noir et blanc. Seul un micro sac rose fuchsia pimentera le look. Un suivant emprunte l'iconographie du damier du jeu de dame. Ces looks sobres et sempiternels seront l'assise de la garde-robe Valentino pour cet hiver 2023/2024. Une veste oversize s'enjolive de pastilles blanches qui se disséminent aléatoirement sur l'ensemble de la pièce. Une chemise se pare de délicats motifs en perles argentés quand la suivante s'orne d'une dentelle florale morcelée. Une mode qui s'intercale dans une sphère de sobriété de part sa palette de couleurs usitées mais aussi par ses lignes géométriques strictes. Sur Alaato Jazyper, un confortable manteau en laine peigné citron expédie ce jet tant attendu de vitamine. Un peps visuel. Les manteaux paraissent magiques. On perçoit vigoureusement cette recherche pour des coupes stylistiques minutieuses avec des effets de plissés dissimulés, d'ouvertures béantes qui se stabilisent d'elles-mêmes, de maintiens de tissus disparates par un jeu d'agrafes escamotées. Un véritable travail d'orfèvrerie. Comme cette pièce, presque couture, qui s'apparente à une micro robe entièrement façonnée de nœuds papillon en quinconce en satin vermillon. Le fameux effet papillon. Le rouge Valentino investit un manteau en laine brossé, une simple chemise et une mini-jupe. On joue le monochrome en total look. Seuls les accessoires tranchent. Souvent en noir. Une robe chemise, toujours rouge, dévoile une ligne de jambe digne d'une Marilyn. Le rouge et le noir demeurent inlassablement des fondamentaux qui s'allient à la perfection. Une robe-pull, en laine angora, alterne rayures en rouge et noir. Un bon basique de la garde-robe. Les looks classiques se poursuivent et laissent paraitre, ici et là, quelques pépites telles que la mini-jupe constituée de roses apposées les unes aux autres ; la robe/bustier cintrée, à la configuration d'une cage obscure ; la chemise ivoirine surpiquée de plumes d'autruches portée par Loli Bahia ; la mini en plumes d'autruches d'Iman Kaumann ; le trench tout en sequins guimauve ; la jupe au découpes kaléidoscopiques seventies de Karolina Spakowski ; la micro jupe aux sequins floraux et irisés de Sascha Rajasalu. Quelques tonalités vives viennent ponctuer la présentation tel que le citrouille, vert anisé ou vert émeraude. Une collection qui se veut éternelle. Une présentation sans fioritures. Des pièces qui magnifieront les silhouettes de ceux et celles qui s'essaieront à la collection Automne/Hiver 2023/2024 de Valentino. Une mode peu criarde. Une excellente alliance entre luxe et discrétion.
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Valentino

Automne/Hiver

2023/2024

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